Les Evêques catholiques du Burundi prêchent la concertation sur le projet de révision constitutionnelle

Ci-après l’intégralité de la déclaration :

Les questions qui nourrissent le débat politique aujourd’hui dans notre pays, surtout la question de la révision de la Constitution, sont des questions qui concernent tous les citoyens et dont la solution exige beaucoup de sagesse, pour éviter tout ce qui pourrait compromettre le processus de paix et de réconciliation en cours.

C’est pour cette raison que la Conférence des Evêques Catholiques, réunie en session ordinaire de décembre 2013 a estimé opportun de s’exprimer sur certaines de ces questions.

A PROPOS DE LA REVISION DE LA CONSTITUTION

Nous, Evêques de l’Eglise Catholique au Burundi, saluons l’heureuse initiative de l’Assemblée Nationale d’emprunter la voie du dialogue et de la concertation, en acceptant de remettre en débat l’opportunité des dispositions de la Constitution qui doivent être modifiées et l’orientation de ces modifications.

De fait, comme la Constitution est la Loi Fondamentale qui est mère de toutes les
autres lois du pays, elle doit être comme une base minimale sur laquelle tous les citoyens doivent s’entendre.

Au temps où nous sommes, une Constitution qui serait adoptée sans dialogue ni consensus risquerait de compromettre notre processus de paix et de réconciliation.

Mais pour que cette initiative de dialogue et de concertation porte ses fruits, nous recommandons vivement que les acteurs politiques dialoguent dans la confiance, en recherchant la vérité, en se respectant mutuellement; en refusant de faire appel à la ruse et la tricherie politique et en s’engageant au respect de la parole donnée.

Certes l’Assemblée Nationale, en tant qu’institution légitime, garde ses prérogatives de représenter le peuple, mais elle ne le remplace pas surtout quand elle lui a donné l’occasion de s’exprimer.

De notre point de vue, toute retouche à la Constitution doit tenir compte non seulement de la seule loi, mais aussi du fait que la Constitution qui régit notre Nation est une émanation des Accords d’Arusha dont on sait qu’ils ont été le fruit d’un long et laborieux dialogue de négociations entre les acteurs politiques, sous la facilitation des Médiateurs internationaux.

Ces Accords ont privilégié la voie du consensus et du partage du pouvoir, afin que le pays ait la stabilité et la tranquillité, et que les populations des diverses ethnies et formations politiques sentent qu’elles ont toutes droit de cité dans leur pays.

Cette Constitution contient certaines dispositions prises à dessein pour remettre petit à petit le pays sur les rails. Ces dispositions sont notamment celles qui concernent le mode de gouvernement, la structuration des institutions, le mode d’adoption des lois, le partage du pouvoir.

Ces dispositions et d’autres semblables sont toujours nécessaires, car les problèmes
auxquels elles apportent des solutions tels que la monopolisation du pouvoir par un groupe, l’exclusion des autres à base des partis politiques ou des ethnies, le respect des mandats politiques, ont loin d’être complètement résolus.

Pour ce qui est de la modification de la constitution, au regard du climat politique actuel surchauffé qui ne favorise pas un dialogue serein sur des questions importantes et sensibles, nous estimons qu’il est sage de ne réviser que les seules dispositions dont le changement s’avère nécessaire pour permettre l’amélioration de la Loi électorale et l’entrée du pays dans la Communauté de l’Afrique de l’Est.

D’autres dispositions pourront faire objet d’un large débat au cours de la prochaine législature. Ainsi, nous garderions l’actuelle Constitution simplement révisée.

Par ailleurs, aujourd’hui plus qu’hier, nous décourageons cette logique de confrontation entre les acteurs politiques qui est en train de s’installer, que ce soit au sein de la classe politique ou dans ligues des jeunes affiliés aux partis.

Nous recommandons une fois de plus aux acteurs politiques de privilégier toujours la voie de la non-violence pour ne pas faire chavirer le pays dans de nouvelles violences, alors que les citoyens ne se sont pas encore remis des traumatismes de la guerre.

Ne perdons jamais de vue d’où nous venons, les cicatrices de la guerre chez la plupart sont encore fraiches.

La sagesse de nos ancêtres qui dit «Ha kuzimira wozigura» («Vaut mieux un long chemin qui aboutit à destination plutôt qu’un raccourci qui finit dans une impasse») nous
déconseille des raccourcis politiques.

Même si la voie du dialogue et de la concertation semble laborieuse et longue, elle reste la meilleure voie pour résoudre efficacement et de façon durable les questions politiques.

A PROPOS DE L’OPPORTUNITE DE LA PRESENCE DU BUREAU DES NATIONS UNIES AU BURUNDI

Notre pays a déjà réalisé de bonnes performances dans divers domaines pour sortir de la crise qui l’a secoué, même s’il y a des mécanismes de la Justice Transitionnelle qui n’ont pas encore été mis sur pied, comme la loi sur la Commission «Vérité et Réconciliation» et la mise sur pied de ladite Commission.

Nous devons toutes ces performances non seulement à la providence de Dieu, mais aussi à la détermination des citoyens, l’engagement des dirigeants, la recherche du consensus entre les acteurs politiques et l’appui du Bureau des Nations Unies au Burundi.

En considérant ce que ce Bureau des Nations Unies au Burundi a déjà fait pour faciliter le retour et la sécurité des politiciens exilés et ce qu’il est en train de
faire en accord avec le Gouvernement pour ramener la confiance entre les acteurs politiques et faciliter un dialogue inclusif et constructif; en tenant compte également du moment délicat dans lequel se trouve le pays, nous voyons que sa présence est non seulement utile mais aussi nécessaire.

Nous souhaiterions ardemment que ce Bureau reste actif dans le pays, pour continuer à appuyer le Gouvernement dans son souci de ramener la confiance entre les acteurs politiques, et dans une bonne préparation et organisation des prochaines élections, ainsi que dans tout ce qui a trait au processus de paix et de réconciliation.

Fait à Bujumbura, le 06 décembre 2013

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